[monographie]Tome I : Cités et institutions
Henri Van Effenterre, Françoise Ruzé
Publications de l'École Française de Rome Année 1994
Base en marbre d'une stèle funéraire (plutôt que d'un kouros), soigneusement dressée et polie sur toutes ses faces, trouvée dans un jardin à Sépolia, au nord d'Athènes. Très belle gravure boustrophèdon, avec ponctuation en fin de vers : deux distiques sur six lignes.
Traduction
Que chacun, qu'il soit de la cité ou étranger venu d'ailleurs, pleure Tettikhos, le valeureux, avant de passer son chemin : il est mort à la guerre, il a perdu sa prime jeunesse. Après ces lamentations, retournez à votre devoir.
Commentaire
La qualité du monument et de la gravure suggère que cette épitaphe est celle d'un aristocrate, mort à la guerre ; la tombe, privée (F. Jacoby), devait être surmontée d'une stèle dressée sur la base ici conservée. Le monument, placé en bordure d'une voie de passage, s'adressait aux passants qui ne connaissaient pas le mort (S. Humphreys).
L'élégie contient des réminiscences poétiques (cf. Homère, Od., VII, 33 ou XVII, 382) et l'évocation de la jeunesse du guerrier mort se retrouve dans d'autres épitaphes, en termes identiques ou voisins (par exemple, pour un Argien dans L.W. Daly, Hesperia, 8 (1939), 165-169 ; dans une épitaphe collective, IG I2, 943). On demande au passant sa pitié, ce qui est banal, mais en insistant sur la valeur d'exemple du jeune mort devenu agathos, «valeureux», et en renvoyant les vivants à leurs devoirs ; sur la valeur & agathos, voir l'inscription de Thasos commentée par J. Pouilloux, Thasos, I, 1954, n° 141, et l'étude de N. Loraux, L'invention d'Athènes, 1981, 99-104. Le passage à la seconde personne du pluriel au vers 4 en fait une exhortation lancée, non plus au simple passant mais à la collectivité des citoyens : ne pas s'attarder sur la lamentation et poursuivre l'oeuvre commencée par les morts pour la cité. Nous pensons ici à la formule finale des épitaphioi, oraisons funèbres pour les morts à la guerre (Thucydide, II, 46, 2 ; Platon, Ménexène, 249 c 8 ; Démosthène, Epitaphios, 37 ; voir N. Loraux, op. cit., 44-50).
Mais, avant de passer au registre civique, le monument s'adressait à tout passant, qu'il fût «astos ou xénos venu d'ailleurs». On pourrait hésiter sur la restitution du premier terme, en songeant à la rareté de son apparition épigraphique à Athènes, mais une épitaphe provenant de Béotie nous confirme qu'il était banal de s'adresser au passant «citoyen ou étranger» (voir ci-contre) : le vers insiste sur la distinction entre la population civique, dans son ensemble, et le monde extérieur.
Athènes, Musée national, inv. 10 650. Long. : 69 cm ; haut. : 29 cm ; ép. : 53 cm.
[Είτε άστό]ς τις άνερ είτε χσένος | άλοθεν έλθόν ·.
Τέτιχον οικτίρα|ς άνδρ' αγαθόν παρίτο : εν πόλεμοι | φθίμενον νεαραν Ιιέβεν όλέσαν|τα :
ταϋτ' άποδυράμενοι νεσθε énfi πραγμ' αγαθόν.
J. KIRCHNER, IG Ρ, 976 (1924) ; J. GEFFCKEN, Gr. Epigramme, 1916, η° 47 ;F. JACOBY, JHS, 64 (1944), 44 ; W. PEEK, Gr. Vers-Inschr., I (1955), n° 1226 ; L.H. JEFFERY, LSAG, 1961, 72 et pl. 3, n° 19 et ABSA, 57 (1962), 133, n° 34 et pi. 38 a ; M. GUARDUCCI, Epigr. Appendix ad G.M. RICHTER, Archaic Gravestones of Attica, 1961, 158-159 ; F. WILLEMSEN, MDAI(A), 78 (1963), 119-120 ; SEG XXII, 66 (1966) ;
G. PFOHL, Greek Poems on Stone, I (1967), n° 55 ; N. LORAUX, AncSoc, 6 (1975), 20-21 ; S. HUMPHREYS, JHS, 100 (1980), 103.
Notes critiques
Nous avons respecté la métrique dans la présentation et marqué les séparations de lignes par des barres verticales.
L. 1 : Les premières éditions proposaient [εϊτ' άστόΊς qui est trop court d'une lettre apparemment, [εϊτε άστο]ς sans elision graphique, mais avec élision métrique : Peek. Dans son recueil, au n° 321, Peek cite cette épitaphe trouvée à Thisbè, en Béotie et datée des VI/Vème s. : άσστοις και χσένοισι Φάνες φίλος [ένθάδε κείται], | ό'ς ποτ' άρισστεύον εν προμάχοις [επεσεν] («cher aux citoyens comme aux étrangers, Phanès repose en ces lieux, lui qui tomba en valeureux au premier rang du combat»). De même, Anacréon (Bergk 111) fait dire à une offrande à Hermès : «j'accueille qui le souhaite dans le gymnase, qu'il soit citoyen ou étranger» : τον δ' έθέλοντα | αστών καί ξείνων γυμνασίφ δέχομαι. Aussi préfère-t-on généralerment restituer άστόΊς (cf. Ed. Lévy, Ktèma, 10, 1985, 54 η. 9), bien qu'il y ait d'autres possibilités, par exemple χρηστός (sur la valeur de ce terme, voir F. Jacoby, CQ, 1944, 15-16) : le sens n'en serait pas modifié. L. 1 et 2 : άλοθεν, Τέτιχον : simplification des géminées comme souvent dans les inscriptions archaïques ; le nom du défunt est formé sur τέττιξ, cigale, et évoque les ornements d'or que les Eupatrides athéniens portaient dans leur chevelure (cf. Thucydide, I, 6, 3, etc.).
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